E-RECRUTEMENT : LE RECRUTEMENT 2.0

Jean-Marie PERRETI, professeur et chercheur en Ressources Humaines, décrit le recrutement comme « une opération qui consiste à pourvoir un poste ». Une définition tombée dans la conscience commune et qui jusque là suffisait amplement. Toutefois, aujourd’hui avec l’avènement des nouvelles technologies, peut on encore parler de « pourvoir un poste » ? Ne sommes-nous pas dans quelque chose qui dépasse la simple fonction ?

 Qu’est-ce que l’e-recrutement ?

L’e-recrutement est le terme utilisé pour désigner le recrutement via le canal internet (« e » signifiant électronique). L’arrivée d’Internet et de son web 1.0 a été une première révolution dans la démarche de recrutement. Ce nouveau canal a tout simplement apporté plus de visibilité dans un marché de l’emploi autrefois cloisonné, limité par la portée de l’outil de communication. Le web étant partout, tout le temps (ATAWAD), les offres d’emplois comme les différents profils sont devenus beaucoup plus accessibles. Offreurs et demandeurs pouvaient émettre leurs messages au plus grand nombre et à moindres coûts.

Toutefois, pour les professionnels du métier, si le recrutement via Internet a effectivement permis le sourcing d’une plus grande quantité de CVs, il a parallèlement entraîné la multiplication des candidatures hors-cibles, compliquant ainsi la sélection des candidats.

Avec la deuxième révolution technologique, le web 2.0 redistribue les cartes dans le jeu du recrutement, avec pour maître-mots l’interactivité et la transparence. En effet, l’essence même du web 2.0 est sa capacité à relier les internautes permettant échange, partage et collaboration. Les organisations et individus sont devenus des émetteurs de contenus faisant apparaître les notions de « marque employeur » et d’ « identité numérique ».

 Identité numérique et marque employeur

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De manière générale, les actes posés par un individu et le bouche-à-oreille qui en découle créent sa réputation. Le web n’échappe pas à cette réalité : le contenu publié par un internaute et l’intérêt qu’il suscite chez ses paires sont des éléments qui constituent son identité numérique et donc son e-réputation.

Prenons l’exemple d’un graphiste. Aujourd’hui le web 2.0 est un formidable outil d’expression :

  • les éditeurs de blogs en ligne lui permettent de partager son regard sur des sujets liés à son métier.
  • Pinterest et Instagram, des réseaux essentiellement visuels, se présentent comme des galeries d’exposition pour ses créations.
  • Facebook lui permet de construire une communauté de fans avec laquelle échanger.
  • You tube lui donne l’occasion de plonger les internautes dans des instants marquants dans la construction de sa carrière.
  • Enfin, LinkedIn est une véritable porte ouverte sur ses paires et ses potentiels clients/employeurs à travers le monde.

En résumé, le contenu posté sur ces différentes plateformes sociales feront sa renommée sur la toile, avec pour principal avantage : l’absence de limitation géographique.

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Côté entreprise, les organisations font face à des individus de plus en plus avides d’expérience, de partage et surtout émetteurs de messages. Il est maintenant question de présenter l’entreprise sous son meilleur jour, de séduire, et ce en toute transparence. Pas facile ! Pour ne retenir que l’essentiel, l’entreprise est devenue une marque en elle-même. Agnès Duroni, conférencière et enseignante à HEC, explique que cette marque regroupe 3 dimensions :

  • les éléments constitutifs de l’entreprise (missions, expertises, environnement de travail…) c’est à dire son essence même,
  • l’image de l’employeur, à savoir la perception qu’ont les employés de leur entité
  • la réputation de l’entreprise, autrement dit la perception que les personnes externes ont de l’organisation.

Toute la difficulté pour les entités réside dans la capacité à diffuser des messages cohérents aux différentes parties prenantes. La marque employeur se pose alors comme une problématique dont la gestion dépasse les frontières purement RH.

Dans le souci de développement de leur marque employeur, les entreprises n’hésitent pas à mettre en place des technologies de pointe pour rester compétitives sur le marché. L’une des plus récentes est l’insertion du principe de réalité virtuelle dans la politique de recrutement. Le but de la manœuvre est de créer un univers artificiel, numérique, conforme à la réalité. L’ internaute a ainsi la possibilité de se mouvoir, intuitivement et naturellement, dans cette réalité reconstituée.

« Inside 360 by Mazars » mis en place par l’organisation internationale française Mazars est l’exemple même de la réalité virtuelle dans le secteur du recrutement. L’objectif de cette stratégie étant d’attirer les étudiants et jeunes diplômés des Grandes Ecoles et leur faire vivre une expérience unique : une immersion dans les locaux de l’entreprise.

 Les nouvelles tendances de recrutement

Le développement de la collaboration en ligne a considérablement facilité l’innovation. Après l’utilisation massive des réseaux sociaux, nous avons vu apparaître de nombreux d’outils permettant aux recruteurs d’optimiser leur travail. Assess First, par exemple, met de pied dans le recrutement prédictif et propose des tests dont les résultats sont basés sur méthodes statistiques et des données informatiques.

Dans la même lancée, les méthodes traditionnelles de recrutement laissent place à des procédures moins conventionnelles. Celles-ci visent à favoriser l’engagement de l’individu et la viralité de la campagne de recrutement : la gamification.

Parmi les entreprises ayant adopté ce procédé, on retrouve le géant Google qui, pour identifier de nouveaux talents, organise régulièrement le Google Code Jam, un concours mettant en compétition ingénieurs et développeurs web. C’est une occasion pour l’entreprise de voir le potentiel de chaque candidat qui doit trouver les erreurs insérées dans des lignes de codes complexes. Quelle belle astuce pour mesurer la compétence sous un fond d’adrénaline ! Et pour rendre la partie plus intéressante, le concours en question offre aux joueurs la possibilité de gagner jusqu’à 50 000 $.

Vers un recrutement 3.0 ?

Les notions de marque employeur et d’identité numérique n’ont jamais été aussi importantes qu’aujourd’hui dans le domaine du recrutement. L’entretien d’embauche n’est que le résultat d’une longue relation débutée en amont sur les plateformes numériques. Le relationnel est bel et bien une dimension essentielle à prendre en compte.

L’entreprise devra s’appuyer sur une plus grande implication de ces collaborateurs, les premiers ambassadeurs et les meilleurs vecteurs de diffusion de la marque employeur. Une chose indéniable et inéluctable est que le recrutement passera par une véritable collaboration entre les salariés, les services de communication et les services des Ressources Humaines.

Côté candidat, le diplôme ou l’école d’origine commence à être relayés au second plan, pour ne laisser que les compétences s’exprimer. Il ne restera plus qu’à maîtriser les outils dont ils disposent pour mettre en avant leurs compétences, leur savoir-faire mais aussi leur savoir-être.

Vous l’aurez compris, le recrutement est en pleine mutation. Un changement auquel il va falloir s’adapter, au risque d’être à la traîne et mettre en péril la pérennité de l’entreprise. Sa version 3.0 sera fortement liée aux évolutions technologiques, mais une question reste en suspend, que fait-on de l’intuition du recruteur face à la complexité de la nature humaine ?

Awa-Marie Ouattara NDIAYE – Salamatou SANOUSSI

 

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